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Les dessous de l'infox, la chronique

AfricTivistes, blogueurs pour une information de qualité sur le web

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Le troisième sommet des AfricTivistes, s’est tenu ces 11 et 12 novembre à Abidjan. Au sein de cette ligue africaine des blogueurs et web activistes pour la démocratie se retrouvent des représentants de toute l’Afrique, à l’avant-garde de la société numérique. Ils en maîtrisent les codes et s’emploient à diffuser une conception de la gouvernance d’internet respectueuse de l’état de droit. Ils sont un rempart contre la désinformation à l’heure du tout numérique.   

Photo de famille des membres d'AfricTivistes au sommet d'Abidjan en Côte d'Ivoire les 11 et 12 novembre 2021.
Photo de famille des membres d'AfricTivistes au sommet d'Abidjan en Côte d'Ivoire les 11 et 12 novembre 2021. © RFI/Sophie Malibeaux
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Loin des bad buzz et des relents fétides des campagnes de haine et désinformation sur les réseaux sociaux, les blogueurs du continent qui ont fait le voyage d’Abidjan sont venus chercher le soutien de leurs pairs et une reconnaissance qui dépasse leurs cercles habituels. Activistes parfois lassés d’être traités en « contestataires », fatigués de faire l’objet de répression et autres brimades, ils se veulent forces de propositions, et sont venus élaborer des solutions concrètes aux maux qui affectent les populations. A travers la Déclaration d’Abidjan pour une gouvernance démocratique de l’internet en Afrique, ils ont pris des engagements aussi ambitieux qu’exigeants, tant à l’égard d’eux-mêmes que de leurs dirigeants.  

Sur le front de la désinformation 

L’activisme au niveau local et l’engagement social sur le terrain placent les blogueurs en première ligne sur le front de la désinformation. Plusieurs initiatives ont émergé ces dernières années de façon plus ou moins organisée. #LocalOpenGov, est un projet mis en œuvre par les AfricTivistes pour envoyer des bénévoles dans les villages les plus reculés, afin d’initier les responsables locaux aux solutions numériques capables d’améliorer le quotidien des populations. Ils sont actuellement sept bénévoles engagés pour six mois au Niger, au Sénégal, en Guinée. Leur retour d’expérience est édifiant. Là où le numérique arrive sans crier gare, par le biais des téléphones portables, ce sont immédiatement les infox qui circulent sur les réseaux et rendent très difficile la mise en place de certaines politiques locales.  

La Sénégalaise Fatima Bint Rassoul en a fait l’expérience au Niger, dans une petite municipalité où les vidéos complotistes sur la pandémie, circulant sur WhatsApp venaient contrecarrer tout effort d’incitation aux gestes barrières ou à la vaccination, avant même d’ailleurs l’arrivée du vaccin. Sur ces vidéos WhatsApp, les statistiques officielles des cas recensés de contamination sont systématiquement assortis de commentaires mensongers. Aux yeux des nouveaux connectés, la parole du maire ne fait pas le poids. Pour peu que des stratégies politiques de dénigrement s’en mêlent, la vérité des faits passe sous les radars.

La technologie et l’humain 

Les militants de la Civic Tech plaident pour un meilleur déploiement du numérique mais insistent sur la nécessité d’accompagner ces évolutions technologiques par une éducation aux médias, afin de lutter contre la désinformation qui se propage sur les réseaux. L’humain, l’action des bénévoles est essentielle, mais trop peu reconnue, trop peu soutenue.  

Ce sont parfois des initiatives totalement spontanées, comme celle de Marie-Lucienne Nguessan, sur Twitter @MarieLucienn2_0. Agée de 22 ans, titulaire d’une formation informatique-développeur d’applications à Bouaké en Côte d’Ivoire, elle initie de son propre chef des sessions d’initiation à l’informatique et au numérique. Elle aussi témoigne du ravage des infox sur WhatsApp. Elle y répond en divulguant la méthode de la recherche d’image inversée.

Elle témoigne aussi du fait qu’une bonne utilisation des réseaux facilite la recherche d’emploi pour les jeunes, après avoir reçu des retours positifs de la part de ses anciennes élèves. La maturité numérique s’acquière et fait boule de neige.  

Sensibiliser aussi les dirigeants 

Quand le très charismatique leader des AfricTivistes Cheikh Fall martèle que « l’Afrique ne doit pas subir la révolution numérique » , il invoque ce double dynamique. A la base, il s’appuie sur les expériences modestes mais concrètes, menées par des blogueurs sans grands moyens. D’un autre côté, ce sont les dirigeants qu’il vise. Ceux qui sont aux responsabilités, chargés de développer les infrastructures du numérique et de mettre en place des instances de régulation efficaces mais non intrusives. Il voit grand. Son organisation revendique la « souveraineté numérique », ce qui apparait comme une utopie face au rouleau compresseur des Gafam. Il attire néanmoins l’attention sur les risques encourus concernant la sécurité des données personnelles, le problème du stockage de ces données hors des frontières, le risque de développer de nouvelles dépendances, de subir un nouveau mode de colonisation. Ce qui fait la force des AfricTivistes, c’est qu’ils sont sur un double registre, global et local. Ils ont ainsi toutes les raisons de critiquer les états qui pratiquent le blocage d’internet à l’approche d’échéances électorales ou lors de mouvements de contestation. Blogueurs et précurseurs, ils sont quelques-uns à l’origine d’initiatives numériques ayant permis d’éviter un déchainement de violence ou de porter secours à des populations victimes d’exactions ou de catastrophes naturelles.  

Le fact-checking, un bien public 

La vérification des informations qui circulent sur les réseaux est un aspect crucial de la bonne gouvernance démocratique sur internet, en particulier lorsque les médias classiques ne remplissent pas vraiment leur rôle, paralysés par les ingérences de potentats locaux ou la pression d’intérêts privés. Dans ces cas-là, le travail de blogueurs très agiles dans le monde digital, leur connaissance d’outils numériques permettant de détecter les manipulations d’images, leur rapidité d’exécution est un atout pour l’information du public.

Sally Bilaly Sow de @guineecheck  en est un bon exemple. Lui et son équipe de quatre personnes, pratiquent le fact-checking en supplément d’activités professionnelles leur permettant de subvenir à leurs besoins quotidiens. Deux motifs justifient leur non-appartenance à un média classique, d’une part ils ne gagneraient pas mieux leur vie, d’autre part, rien ne leur garantit de pouvoir pratiquer dans une rédaction classique, le rigoureux travail qu’ils produisent en tant que fact-checkers. Il faut parfois passer des heures à écouter des vidéos en langue locale, pour débusquer l’origine d’une rumeur complètement fantaisiste. Il faut ensuite passer plus de temps encore à trouver des sources fiables permettant d’invalider les infox. Se pose le problème du modèle économique qui permettrait à ce vivier de blogueurs-journalistes de gagner leur vie en essaimant les pratiques de vérifications.  

Une avant-garde en mal de soutiens 

@AfricaCheck - @checkCongo - @togocheck ou encore Stop Intox CameroonCe mouvement de fact-checkers en réseau à travers le continent, actif au sein des AfricTivistes, adhère à la Déclaration d’Abidjan 2021 qui stipule notamment : « Nous réaffirmons notre engagement en tant qu’acteurs de l’information en ligne à agir en toute responsabilité dans le cyberspace et appelons les pouvoirs publics africains à garantir la protection des journalistes et blogueurs dans l’exercice de leurs activités ». Face au torrent d’infox sur les réseaux, leur action est salutaire, mais leur visibilité trop limitée pour avoir un réel impact sur l’opinion. Ils sont pourtant bien placés pour détecter l'infox qui circule en langues locales, indétectable par les algorithmes de Facebook, fait remarquer Sally Bilaly Sow de Guinée Check, quand il s'agit d'empêcher la diffusion de contenus enfreignant les règles de la communauté.  Spectaculaire et trop facile à diffuser, l’infox risque de l’emporter dans cette course de vitesse qui se joue sur internet.  

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